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Il est peu probable que la crise bancaire se reproduise en 2007-2008


La faillite de la Silicon Valley Bank représente la plus importante faillite d'une banque aux États-Unis depuis 2008. (Photo: Getty Images)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. Le spectre d’une crise financière hante les marchés avec la faillite ou le sauvetage de quatre banques en trois semaines. Toutefois, la répétition d’un choc comme en 2007-2008 reste à établir. Le système bancaire est plus résilient et les banques n’ont pas les mêmes problèmes qu’il y a 15 ans.

Voilà grosso modo le point de vue majoritaire des analystes et des spécialistes qui se prononcent sur les déboires de la Silicon Valley Bank, Signature Bank, First Republic Bank et de Credit Suisse — auxquels il faut ajouter depuis ce vendredi, ceux de la Deutsche Bank.

En 2007-2008, la crise financière a débuté avec les difficultés des ménages américains à faibles revenus à rembourser les prêts que leur avaient consentis des banques pour acheter une maison. Ces prêts étaient souvent à taux variables.

Aussi, quand la Réserve fédérale américaine (Fed) a fait passer son taux directeur de 1% à 5% entre 2004 et 2006 pour tenir compte de l’inflation et de la croissance économique, de nombreux ménages ne pouvaient plus rembourser leur hypothèque.

Revenons aux trois dernières semaines fort agitées dans le secteur bancaire.

La Silicon Valley Bank et la Signature Bank ont fait faillite. La First Republic Bank est toujours en difficulté (malgré l’appui d’autres banques américaines), tandis que le Credit Suisse a été racheté par son concurrent suisse UBS, sous l’insistance — critiquée — des autorités financières du pays.

Quant à la Deutsche Bank, elle a vu grimper vendredi la valeur de ses CDS (Credit Default Swap) permettant aux créanciers de s’assurer contre un risque de défaut. Cette hausse signifie qu’il y a des inquiétudes quant à sa santé financière. 

Bref, malgré la descente aux enfers de ces quatre banques (et des nouvelles inquiétudes par rapport à la première banque allemande), la situation serait sous contrôle, disent les autorités aux États-Unis et en Europe.

On pourrait dire du moins pour l’instant. 

Cela dit, une récente décision majeure prise aux États-Unis — le pays est à l’origine de la vague d’inquiétude qui a déferlé sur la planète — milite effectivement en faveur de turbulences contrôlées.

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Pratiquement tous les dépôts sont garantis aux É.-U.

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Les autorités financières, sous le leadership du Trésor américain, ont pratiquement garanti l’ensemble des 17 600 milliards de dollars américains (24 143G$ CA) déposés dans les banques américaines, rapportait le 21 mars le Wall Street Journal.

Bref, désormais, personne ou presque ne peut vraiment perdre son argent aux États-Unis.

On comprend mieux pourquoi le niveau d’inquiétude a baissé d’un cran.

Cela dit, le quotidien financier américain déplore en même temps que cette garantie sonne la fin de la discipline bancaire, du moins tant que cette mesure restera en place.

En outre, le fait que les banques centrales aient maintenu des taux d’intérêt très bas durant des années avait aussi érodé en grande partie cette discipline bancaire, soulignent certains analystes.

Car si les autorités garantissent pratiquement 100% des dépôts, pourquoi les banques se creuseraient-elles les méninges pour bien gérer leurs risques financiers, à commencer par celui de liquidité?

Revenons à la base du système bancaire.

Les banques ne gardent qu’une portion de l’argent que leur confient les déposants.

Si vous déposez 1000$ dans votre compte de banque, votre institution ne gardera en fait dans ses coffres qu’environ 100$, par exemple. Les 900$ restants seront prêtés à d’autres personnes, entreprises ou organisations.

C’est ainsi que les banques permettent à d’autres agents économiques d’investir pour acheter une maison, agrandir une usine ou acquérir de la nouvelle machinerie.

Lire aussi: Faillite de la Silicon Valley Bank: les trois clés de la stabilité bancaire canadienne

Tout repose sur la confiance des déposants

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Ce système repose toutefois avant tout sur la confiance des déposants.

La confiance que si vous voulez retirer d’un seul coup votre 1 000$, votre institution pourra le faire.

La plupart du temps.

Car il y a des exceptions, à commencer par la Silicon Valley Bank.

Cette banque a justement fait faillite parce que ses déposants ont perdu confiance dans sa capacité de leur permettre d’y retirer en tout temps leur argent.

Or, aux États-Unis, les faillites des banques sont assez fréquentes.

Ce risque de défaut est donc bien réel.

En fait, il y a eu quatre vagues importantes de faillites depuis le début 20e siècle, selon le manuel de référence Macroéconomie, coécrit par les économistes Daron Acemoglu, David Laibson et John A. List.

  • Entre 1919 et 1928, durant la décennie qui a précédé la Grande Dépression, 20% des banques, surtout des banques rurales qui avaient consenti des prêts à des fermes, ont dû mettre la clé dans la porte.
  • Entre 1929 et 1939, durant la Grande Dépression, près de la moitié des banques américaines ont été acculées à la faillite.
  • Dans les années 1980 et au début des années 1990, près de 15% des banques ont déposé leur bilan durant la crise des caisses d’épargne, un type de banques régionales.
  • En 2007-2008, lors de la crise financière causée par de mauvais prêts, un peu moins de 5% des banques du pays ont fait faillite. En revanche, celle de la Washington Mutual, en 2008, a englouti à elle seule plus de 300G$ US d’actifs.

Depuis la crise financière de 2007-2008 (qui a ébranlé l’industrie aux quatre coins de la planète), les systèmes bancaires sont plus résilients.

En revanche, cette résilience varie d’un pays à l’autre, en fonction du cadre réglementaire national.

Par exemple, au Canada, le système bancaire centralisé autour de cinq grandes banques est réputé être plus résilient qu’aux États-Unis, où le système bancaire est décentralisé et comprend des milliers d’institutions financières de toutes les tailles.

Cela dit, depuis la crise financière de 2007-2008, la plupart des banques sont désormais régies par Bâle III.

Il s’agit d’un ensemble de mesures convenues à l’échelle internationale, sous l’égide de la Banque des règlements internationaux (BRI, dont le siège est à Bâle, en Suisse). Elles ont renforcé la réglementation, le contrôle et la gestion des risques des banques.

Pour l’essentiel, Bâle III a deux objectifs.

D’une part, de s’assurer que la défaillance d’une grande banque — to big to fail, comme on dit en anglais — n’affaiblisse pas l’ensemble du système bancaire.

D’autre part, de veiller à ce que la capitalisation des banques soit plus grande afin de réduire le risque de liquidité.

Le Credit Suisse a été racheté par son concurrent suisse UBS, sous l’insistance – critiquée – des autorités financières du pays. (Photo: Getty Images)

Bâle III ne répond pas aux risques de taux d’intérêt

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Bref, Bâle III a été pensé pour réduire le risque de mauvais prêts, qui ont été à l’origine de la crise financière de 2007-2008.

Or, la récente crise bancaire qui a secoué les États-Unis et la Suisse n’a pas été provoquée par de mauvais prêts, souligne à Les Affaires Benoît Durocher, vice-président directeur et chef stratège économique chez Addenda Capital, une société de placements de Montréal.

Cette crise a plutôt été créée par la hausse rapide des taux d’intérêt aux États-Unis (et ailleurs dans le monde) depuis mars 2022 afin de combattre l’inflation, souligne ce spécialiste.

Or, quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur de certains actifs financiers diminue, à commencer par celle des obligations, des titres jugés très sécuritaires émis par les gouvernements — qui font très rarement défaut.

C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs banques — dont la Silicon Valley Bank — possèdent des obligations dans leurs actifs, car il s’agit de capitalisation de qualité ou de première catégorie, selon Benoît Durocher.

Quand les taux d’intérêt sont stables ou bas, la possession de ces titres est en quelque sorte une police d’assurance pour générer au besoin rapidement des liquidités.

Par exemple, si une banque en a besoin rapidement, elle peut vendre des obligations sur le marché secondaire (où l’on échange des titres financiers existants), et ce, bien avant la fin de l’échéance du titre, par exemple, dans 10 ou 30 ans.

En revanche, quand les taux d’intérêt augmentent rapidement comme à l’heure actuelle, la valeur des obligations chute sur le marché secondaire — elles peuvent même être vendues à perte.

Toutefois, ces titres seront rachetés à leur pleine valeur au moment de leur échéance, par exemple dans 10 ou 30 ans, par ceux qui les auront acquis sur le marché secondaire.

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C’est ce qui s’est passé avec la Silicon Valley Bank.

Au début du mois de mars, un déposant important — Peter Thiel, co-fondateur de Paypal Holdings et riche capital-risqueur fondateur de Founders Fund — a d’abord retiré une grosse somme d’argent. D’autres déposants ont fait la même chose, quand l’information a été connue.

Le geste de Peter Thiel soulève d’ailleurs plusieurs questions, et des analystes n’excluent pas qu’il doive donner des explications aux autorités à ce sujet.

Devant cette sortie de capitaux rapide, la banque californienne a manqué de liquidité. Elle a donc dû vendre une partie de son portefeuille obligataire, mais à perte, en raison de la hausse des taux d’intérêt.

Cette décision a accentué davantage la crise de confiance des déposants à son égard, acculant l’institution financière à la faillite.

Et maintenant, le marché et de nombreux déposants se demandent si d’autres banques sont fragilisées et susceptibles de faire défaut comme la Silicon Valley Bank.

Chose certaine, la réaction rapide et forte des autorités financières américaines illustre à quel point la situation était critique dans les derniers jours.

Pour l’heure, la situation semble sous contrôle.

Le contexte est aussi très différent par rapport à celui de 2007-2008.

Êtes-vous pour autant rassurés, alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a encore augmenté son taux directeur le 21 mars, sa neuvième hausse consécutive depuis mars 2022?

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Author: Brian Carter

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